Arrivée des Sainte-Croix au Canada
Les Sainte-Croix au Canada : une volonté du curé Saint-Germain
Lorsque l’abbé Jean-Baptiste Saint-Germain est nommé curé à Saint-Laurent de Montréal en 1829, les sœurs enseignantes de la congrégation de Notre-Dame avaient quitté la paroisse depuis quatre ans. Il se rend alors compte du vide créé par l’absence d’enseignement par des communautés religieuses et il entame des démarches pour combler ce manque.
Or à cette époque, le curé apprend que les religieux et les religieuses de Sainte-Croix à Notre-Dame-du-Lac, dans l’Indiana aux États-Unis, avaient un double établissement où jeunes garçons et jeunes filles recevaient un enseignement distingué. Avec l’autorisation de Mgr Ignace Bourget, évêque du diocèse de Montréal, l’abbé Saint-Germain se rend alors à Notre-Dame pour demander au père Édouard Sorin, supérieur local, s’il peut lui venir en aide dans sa paroisse. Bien que sa réponse soit négative, le père Sorin le met en relation avec le père Basile Moreau, le fondateur et supérieur général de Sainte-Croix en résidence au Mans, en France. Le père Moreau avait envoyé ses premiers missionnaires en Algérie en 1840, puis aux États-Unis en 1841, et ces nouvelles fondations avaient fortement réduit le personnel de la communauté encore jeune. Cependant, l’audacieux père fondateur croit en la Providence pour le développement de sa famille religieuse.
Un trialogue transatlantique
En 1842, le père Moreau reçoit une lettre du Canada. Mgr Ignace Bourget lui écrit pour lui demander de lui envoyer des instituteurs – des frères de Sainte-Croix – pour son diocèse. S’ensuit une correspondance à trois pendant près de cinq ans entre Mgr Ignace Bourget, évêque du diocèse de Montréal; l’abbé Jean-Baptiste Saint-Germain, curé de la paroisse de Saint-Laurent; et le père Basile Moreau, fondateur de la congrégation de Sainte-Croix.
Trois ans et demi plus tard, le 9 février 1846, Mgr Bourget réitère sa demande de façon plus précise puisqu’il demande l’envoi d’un père et de deux frères pour fonder une maison. Il informe le père Moreau qu’un « respectable curé » des environs de Montréal se chargera des frais de cette fondation. Ce curé est l’abbé Jean-Baptiste Saint-Germain auquel le Père Moreau écrit le 8 novembre 1846 lui demandant trois choses : si le prêtre destiné à la paroisse de Saint-Laurent lui succédera un jour; s’il a les ressources suffisantes pour assurer la viabilité de la fondation; et combien de frères et de sœurs il souhaite obtenir. En décembre 1846, Saint-Germain répond au père Moreau que les questions de succession et du nombre de religieux devront être réglées avec l’évêque Bourget. D’ailleurs il n’avait pas pensé aux sœurs et accepte volontiers cette offre. Quant à la question des ressources, il répond que l’établissement des Sainte-Croix est tellement désiré par tout le monde qu’elles ne manqueront pas.
Le 17 janvier 1847, le père Moreau écrit à l’abbé Saint-Germain pour lui annoncer qu’il lui enverra quatre frères, trois ou quatre sœurs et un père. Ils partiront avec Mgr Ignace Bourget à son retour de Rome. Dans une lettre non datée, Mgr Bourget remercie sincèrement le père Moreau pour avoir accepté de fonder une maison dans le diocèse de Montréal. D’autres lettres seront échangées entre Moreau et Bourget au sujet des frais du voyage pris en charge par l’évêché de Montréal. Enfin, le 25 février 1847, le curé Saint-Germain écrit à Moreau qu’il se réjouit de l’établissement d’une « Sainte-Famille » comprenant des prêtres, des frères et des sœurs de Sainte-Croix. Il souhaite que les « bons frères apportent avec eux un exemplaire, au moins, des livres dont ils font usage dans leurs écoles, ainsi qu’un petit traité d’arithmétique aussi abrégé que possible : qu’ils se munissent aussi de bonnes graines de jardin; il sera encore temps de les semer quand ils arriveront ». Il espère leur arrivée en mai, assez tôt pour préparer la rentrée scolaire.
Vingt-huit jours de voyage
En avril 1847, en préparation du voyage et en tant que supérieur général de la communauté, le père Basile Moreau procède à la nomination des religieux qui seront envoyés au Canada. Les lettres de nomination des pères sont rédigées en latin, celles des frères en français.
Le 30 avril 1847, 240 personnes embarquent au Havre sur le gros voilier Le Havre Américain, long de 135 pieds. Des représentants de plusieurs communautés religieuses s’y trouvent, parmi lesquelles quatre sœurs, huit frères, un père et un novice de Sainte-Croix, et aussi Mgr Bourget, qui était en voyage en Europe depuis six mois.
Les nombreux jours de traversée sont plutôt calmes, malgré une tempête et un détour pour éviter des icebergs proches de Terre-Neuve. À bord, la messe est célébrée chaque jour et l’Ave Maris Stella est chanté aux matelots tous les soirs. Le 22 mai, le bateau arrive à New York, plus précisément sur l’Ile de la Quarantaine où des médecins montent à bord pour examiner toutes les passagers. Ils permettent à ceux qui avaient bonne mine de débarquer. Le 23 mai, le contingent Sainte-Croix assiste à la messe à l’Église de Saint-Paul, une des quelques églises catholiques de cette ville protestante.
Le 24 mai, ils entament un périple de trois jours vers le nord. Ils prennent d’abord le bateau Columbia pour remonter le fleuve Hudson jusqu’à Troy, puis un petit bateau-passeur pour franchir les écluses du canal Champlain, et enfin un bateau à vapeur moderne pour traverser le Lac Champlain et remonter la rivière Richelieu jusqu’à Dorchester, l’actuelle Saint-Jean-sur-Richelieu. De là, un train tiré par la première locomotive du Canada, la petite Dorchester de six pieds de haut, les mène jusqu’à La Pairie. Le trajet se poursuit ensuite en diligence, puis en traversier. Le jeudi 27 mai à 9 heures du matin, l’évêque de Montréal, accompagné des missionnaires français, arrive à Montréal. Pour l’occasion, les cloches de la ville sonnent et la foule remplit l’église Notre-Dame pour chanter un Te Deum d’action de grâce. Après avoir visité la ville, les religieux de Sainte-Croix se rendent à Saint-Laurent en soirée.
Quelques semaines plus tard, le 3 juillet 1847, le père Moreau écrit au curé Saint-Germain pour le remercier sincèrement de l’accueil accordé à ses fils et filles.
En 1997, à l’occasion du 150e anniversaire de l’arrivée de la congrégation de Sainte-Croix au Canada, un monument a été érigé par la ville de Saint-Laurent en hommage au père Moreau et aux 14 religieuses et religieux missionnaires :
- Père Louis-Augustin Vérité
- Abbé Jean-Louis Lyonnet (novice)
- Sœur Marie-d'Égypte (Clarisse Vermont)
- Sœur Marie-du-Sauveur (Aglaé Morineau de la Chaptais)
- Sœur Marie-de-Jésus-Mourant (Renée David)
- Sœur Marie-du-Désert (Angélique Godo)
- Frère Urbain (Jules Vermont)
- Frère Antoine (Auguste Morin)
- Frère Aldéric (Michel Giraudeau)
- Frère Flavien (Jacques Trudelle)
- Frère Constantien (Jacques Gousset)
- Frère Épiphane (Louis Lenormand)
- Frère Euloge (Louis Vivant)
- Frère André (Pierre Jardin)