Le père Moreau et les débuts de la communauté de Sainte-Croix

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Père Basile-Antoine-Marie Moreau (1799-1873).

Basile-Antoine Moreau naît le 11 février 1799 dans le village de Laigné-en-Belin, dans le département de La Sarthe, en France. Ses parents, Louis Moreau et Louise Pioger, appartiennent à un monde de petits commerçants et de cultivateurs. La famille est nombreuse : Basile est le neuvième enfant et cinq autres suivront après lui. Les Moreau mènent une vie de travail et de prière dans un foyer plein d’espoir, où règne un amour sincère.

Basile est vite remarqué pour son intelligence. En 1814, il commence des études au collège Château-Gontier puis au séminaire Saint-Vincent au Mans. Il est ordonné prêtre le 12 août 1821 à l’âge de 22 ans. À l’évêché du Mans, le jeune religieux ne passe pas inaperçu. L’abbé Moreau est brillant, vif et affiche un désir ardent de servir. Souhaitant en faire un formateur de prêtres, l’évêque l’envoie aux études chez les Sulpiciens à Paris. En 1822-1823, l’abbé Moreau suit une année de formation spirituelle au noviciat sulpicien de la Solitude d’Issy, où il rencontre le prêtre sulpicien Gabriel Mollevaut. Celui-ci sera son accompagnateur spirituel pendant de nombreuses années.

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L'abbé Jacques-François Dujarié (1767-1838).

L’abbé Moreau prend ses études très au sérieux et s’enracine solidement dans la vie spirituelle. À son retour en 1823, bien qu’il exprime son désir de servir comme missionnaire, ses supérieurs le nomment au poste où il était attendu : chargé des cours de philosophie et de théologie pour les futurs prêtres. Parallèlement, il conduit des retraites chez les Frères de Saint-Joseph, une association de frères enseignants créée au Mans en 1820 par l’abbé Jacques-François Dujarié (1767-1838) et dédiée à œuvrer en milieu rural. Basile Moreau occupera la fonction de professeur dans des séminaires jusqu’en 1836 tout en étant prédicateur dans le diocèse.    

En 1835, l’abbé Moreau organise l’Association des Prêtres auxiliaires du diocèse du Mans, rassemblant des religieux destinés à prêcher et à enseigner l’Évangile dans les paroisses – une réponse aux bouleversements dans la pratique religieuse engendrés par la Révolution française. La même année, à la demande de l’abbé Dujarié et de l’évêque du Mans, il accepte de prendre en charge l’association des Frères de Saint-Joseph, qui emménagent avec les Prêtres auxiliaires dans la commune de Sainte-Croix. En 1836, il initie l’Institution Notre-Dame de Sainte-Croix au Mans en y transférant le pensionnat dirigé auparavant par les frères à Ruillé-sur-Loir.

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L'Institution Notre-Dame de Sainte-Croix au Mans, France.

L’abbé Moreau quitte l’enseignement pour se concentrer sur l’administration des œuvres des religieux. Il rédige les bases de son projet d’union, rêvant d’y voir aussi la participation de religieuses pour créer une congrégation à l’image de la Sainte Famille. L’union des Frères de Saint-Joseph et des Prêtres auxiliaires se concrétise en 1837 avec un acte de fusion donnant naissance à l’Association de Sainte-Croix, du nom de la localité où elle est implantée, une communauté ayant pour mission d’éduquer la jeunesse et d’évangéliser les campagnes. Ses règles sont approuvées par l’évêque du Mans la même année, et trois ans plus tard, le 15 août 1840, Basile-Antoine Moreau prononce ses vœux de religion avec plusieurs de ses disciples. Il devient ainsi le fondateur et premier supérieur général de la jeune communauté de Sainte-Croix.

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Mère Marie des Sept-Douleurs, née Léocadie Gascoin (1818-1900).

En 1841, le père Moreau adjoint une branche féminine à l’association des pères et des frères avec la collaboration de Léocadie Gascoin, qui deviendra mère Marie des Sept-Douleurs. Ce sont les Marianites de Sainte-Croix. Le modèle de la Sainte Famille que le père Moreau souhaitait mettre au service de l’Église est ainsi complet. Pour illustrer cette union, le père Moreau proposera l’image de l’arbre de Sainte-Croix, représentant l’union de Jésus-Christ à Dieu et celle de saint Joseph et de la Vierge Marie à Jésus.

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Le père Moreau et l'arbre de Sainte-Croix.

[...] Sainte-Croix ressemblera, dans ses développements, à un arbre dont la tige produit, en s’élevant, des branches nombreuses, d’où sortent des rameaux qui en produisent d’autres, nourris tous de la même sève et animés de la même vie.

Lettres circulaires, 15 juin 1854.

Fidèle à son désir de mission, le père Moreau envoie ses collaborateurs en Algérie dès 1840 et aux États-Unis en 1841. En 1847, des religieux et des religieuses de Sainte-Croix arrivent au Canada. Quelques années plus tard, la communauté prend en charge la mission du Bengale (aujourd’hui le Bangladesh).

L’année 1857 marquera pour toujours la vie du père fondateur : il reçoit l’approbation par le pape Pie IX des constitutions des frères et des pères de Sainte-Croix, dont il est l'auteur, et voit son association devenir ainsi une congrégation. Cette même année, il a aussi l'occasion de visiter ses fondations aux États-Unis et au Canada.

Les religieuses étant séparées des religieux à la demande du Saint-Siège, la congrégation des Marianites de Sainte-Croix ne recevra l’approbation pontificale que dix ans plus tard. En 1858, mère Marie des Sept-Douleurs est nommée la première supérieure générale de la communauté. Arrivée à Saint-Laurent en 1849, elle y reste jusqu’en 1863. Elle y établit le siège administratif, la Maison Mère, le postulat, le noviciat et le premier pensionnat. Après l’approbation des constitutions en 1867, la Maison Mère est établie au Mans. Les relations deviennent alors de plus en plus difficiles entre les deux côtés de l’Atlantique.

Dans ce contexte, deux nouvelles branches féminines distinctes sont créées à partir des Marianites. En 1869, la province féminine de l’Indiana aux États-Unis acquiert son autonomie et devient la congrégation des Sœurs de la Sainte-Croix (Sisters of the Holy Cross). Les sœurs canadiennes, quant à elles, demandent des ajustements pour améliorer leur fonctionnement à distance, mais leurs demandes sont rejetées. À la suite de ces refus, elles demandent leur autonomie, qu’elles obtiennent en 1883 grâce à un bref pontifical. Elles deviennent alors la communauté des Sœurs de Sainte-Croix et des Sept-Douleurs, aujourd’hui connue sous le nom de Sœurs de Sainte-Croix (Sisters of Holy Cross).

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Montres qui auraient appartenu aux pères Basile et Charles Moreau et à mère Marie des Sept-Douleurs.

Bien que florissante, la jeune congrégation de Sainte-Croix en France doit faire face à de graves difficultés et dissensions au cours de la période suivant sa fondation. Confronté à de dures épreuves et injustices à son égard, le père Moreau finit par remettre au Saint-Siège sa démission de supérieur général lors du chapitre général de 1860, mais son départ n'est accepté qu’en 1866. Il se retire alors dans une maison au Mans et continue à donner des prédications dans des paroisses environnantes jusqu’à sa dernière retraite, quelques semaines avant sa mort survenue en 1873. Il est soutenu par les Marianites de Sainte-Croix jusqu’à la fin de son cheminement terrestre.

Au cours de sa vie, le père Moreau écrit régulièrement et entretient une abondante correspondance. En témoignent ses richissimes lettres circulaires réunies à titre posthume en deux tomes par le père Philéas Vanier, c.s.c. (1941-1942), ainsi que ses nombreuses publications telles que la Pédagogie chrétienne à l’usage des Joséphites (1856) et les Méditations chrétiennes (1872).

Le père Moreau et les débuts de la communauté de Sainte-Croix