Visite du père Moreau à Saint-Laurent
Des débuts difficiles
La jeune « colonie de Sainte-Croix » vit des années difficiles à ses débuts. Venus au Canada pour enseigner et prêcher, les pères, les frères et les sœurs vivent dans des maisons mal préparées et désordonnées. Il y a un manque criant d’argent pour subvenir aux besoins de base. Les saisons sont brutales pour ces immigrants habitués au climat de l’ouest de la France. Malgré les inconforts et les difficultés, les premiers élèves sont recrutés. Le 15 septembre 1847, a lieu la première rentrée à l'externat des religieuses, qui deviendra avec le temps le Pensionnat Notre-Dame-des-Anges. La même année, les premiers élèves sont accueillis dans l’établissement des religieux qui deviendra le premier collège de Sainte-Croix au Canada : le Collège de Saint-Laurent. Des habitants de Saint-Laurent offrent temps, biens matériels et argent pour aider la communauté dans son développement. Cette aide obtient du succès : les écoles de Saint-Laurent grandissent et plusieurs membres de la jeune fondation de Saint-Laurent quittent leur berceau pour fonder de nouvelles écoles sur l’île de Montréal et dans la région autour de l’île.
Une visite tant désirée
En 1857, peu de temps après l’approbation des Règles et Constitutions de la congrégation des pères et des frères par le Saint-Siège, le temps est venu pour le père Moreau d’aller visiter ses institutions en Amérique.
Bien qu’il le fasse en tant que supérieur général de la congrégation dans le cadre d’une visite régulière, pour lui ce voyage représente plus que cela : « Ce mot de visite me rappelle un vœu que je n’ai jamais cessé de former depuis le jour où la divine Providence a conduit des membres de la famille de Sainte-Croix au-delà des mers […] vous qui m’appelez depuis si longtemps et m’attendez avec le désir de l’impatience. Soyez-en sûrs, vous ne soupirez pas plus que moi après le moment heureux de notre prochaine entrevue; car si vous désirez me voir et me parler, je désire aussi, et plus que je ne pourrais le dire ici, vous voir et vous entendre » (Lettres circulaires, 3 juillet 1857).
Le 11 août 1857, il précise ce sentiment de devoir qu’il a envers les premiers missionnaires de Sainte-Croix : « ces âmes généreuses qui ont fait le sacrifice de la Patrie, et que j’ai exposées à tant de dangers en les renvoyant au-delà des mers » (Lettres circulaires, 11 août 1857).
Un séjour de neuf jours à Saint-Laurent
Le père Moreau prend le train à New York pour Montréal le 12 août, au lendemain d’une rencontre avec l’archevêque de New York. Il passe une nuit chez les Sulpiciens et arrive à Saint-Laurent le 13 août en créant la surprise. En effet, il était attendu pour septembre et le télégramme qu’il avait envoyé depuis New York n'arrive que deux jours après lui. Un frère annonce l’arrivée du père Moreau à la mère supérieure de Sainte-Marie, et celle-ci lui répond même qu’il perd la tête. Mais rapidement, devant le fait accompli, on fait sonner les cloches de l’église et tout le monde s’y réunit. Le père Moreau raconte ce moment : « Comme on sentait délicieusement le bonheur de se retrouver en famille après une si longue séparation, dans des pays si lointains, et après de si pénibles épreuves » (Lettres circulaires, 25 septembre 1857).
Durant neuf jours, Basile Moreau va administrer le Vicariat de Saint-Laurent en commençant par la nomination du supérieur des religieux de Sainte-Croix et de la supérieure des sœurs de Sainte-Croix. Tous les membres de la congrégation, les pères (Salvatoristes), les frères (Joséphites) et les sœurs (Marianites), sont rassemblés à la sacristie de la paroisse de Saint-Laurent pour assister à cette cérémonie. L’infatigable père Moreau organise ensuite les maisons et les deux noviciats. Il définit aussi les règles de discipline dans les écoles, le fonctionnement des élections locales, les réunions des conseils, le règlement des dettes de la communauté et le partage des intérêts matériels entre religieux et religieuses.
Le père Moreau s’entretient avec chacun de ses fils et ses filles, préside les exercices spirituels, des prises d’habits et des professions. Parmi les religieuses qui prennent l’habit à ce moment-là, on peut citer sœur Marie-Léonie, future fondatrice des Petites Sœurs de la Sainte-Famille. Le père Moreau donne aussi une conférence aux trois communautés réunies dans un même local. La thématique de son discours porte sur le respect et l’observance des constitutions et des règles. Cette observance est à la fois moyens de sanctification personnelle, d’honneur et de glorification de la congrégation et constitue une récolte des fruits de paix et de bonheur.
Le père Moreau quitte Saint-Laurent le 22 août en soirée pour aller passer la nuit chez les Sulpiciens. Le 23 août, il s’entretient avec Mgr Bourget et visite d’autres communautés religieuses à Montréal. Le lendemain, il prend le train en direction des États-Unis où il visite la fondation américaine de Notre-Dame-de-Lac en Indiana.
Un souvenir émouvant
Le père Moreau ne manquera pas de vanter les progrès des missions d’Amérique du Nord à toutes les maisons en Europe et en Asie. Ce sera son unique voyage transatlantique à la rencontre de ses fils et ses filles en Sainte-Croix. Ému, il s’adresse à eux dans une circulaire écrite à bord du bateau qui le ramène en Europe : « Tous les témoignages d’affection que votre charité n’a cessé de me prodiguer pendant mon trop court séjour au milieu de vous, resteront profondément gravés dans mon cœur et je n’en perdrai point le précieux souvenir tant que je vivrai » (Lettres circulaires, 25 septembre 1857).
Cadeaux souvenirs offerts par le père Moreau :
Par ailleurs, le père Moreau ne manque pas d’adresser ses remerciements au « respectable curé de votre paroisse, dont je n’oublierai jamais l’accueil si plein de délicatesse et de bonté » (Lettres circulaires, 25 septembre 1857). Probablement en signe de reconnaissance pour tout ce que le curé Saint-Germain a fait pour la communauté Sainte-Croix, le père Moreau lui a offert au moins deux cadeaux : un livre de catéchisme et une image pieuse. Il nous est impossible de connaître l’objet de leurs discussions lors de la venue du père Moreau à Saint-Laurent, mais il est certain qu’ils ont passé de bons moments. En effet, un an et demi plus tard, le 20 décembre 1858, le père Moreau adresse une lettre au curé Saint-Germain : « Je garderai toute ma vie un doux souvenir de ma visite à St-Laurent, de votre paternel accueil, et je vous prie d’en agréer l’assurance ainsi que celle de l’invariable attachement avec lequel je suis », signé par le père Basile-Antoine Moreau.
Saviez-vous que, en 1857 déjà, le père Basile Moreau relevait l’importance des archives?
Art. 5 : « Tous les directeurs d’écoles, ainsi que les Salvatoristes [prêtres] employés dans le ministère paroissial devront avoir désormais leurs archives dans lesquelles ils ramasseront les pièces importantes de leur administration : comme les actes de fondation, les circulaires, etc. Ils auront de plus l’inventaire, la chronique, le journal et autres livres de comptabilité nécessaires. Ce dont conforme au modèle de notre circulaire en date du 1er mars 1857, qu’ils auront soin de tenir exactement ».
Extrait de l’Ordonnance de la visite régulière du père Moreau à Saint-Laurent en tant que supérieur général de la congrégation de Sainte-Croix.